J'ai constaté avec les années que les artistes dont je doute le plus, sont souvent ceux qui me surprennent le mieux et pas qu'un peu. J'avais cherché en vain des vidéos complètes de ses prestations humoristiques pour me faire une idée de ce que cet artiste ahurissant pouvait avoir à offrir sur scène. J'ai plutôt découvert pour commencer, un slameur aux textes profond et édifiant avant d'être totalement séduite par son aisance scénique et son phrasé particulier lorsqu'il se glisse dans la peau d'un comique. Inutile de vous dire que j'ai souhaité entre deux éclats de rire, en savoir d'avantage sur cette âme creative que je vous invite à découvrir.
Qui est Elifaz ?
Difficile de se présenter soit même, mais je vais essayer.
A l’état civil, c’est HOUNDEKPONDJI Vodisfait Elifaz Gérard. Je suis un artiste slameur et humoriste Béninois vivant au Burkina Faso. Je suis dans cet art de façon professionnelle depuis 2009.
Entre le slam et l'humour, quelle a été la première forme d'expression artistique que tu as embrassé et pourquoi ?
J’ai commencé par le slam. A mes débuts il me fallait une identité qui me démarquerait des autres ; d’où ce slam bien teinté d’humour.
Avec le temps j’ai voulu approfondir le volet humour, et ça m’a conduit à avoir maintenant deux vies artistiques.
A t-il été aisé pour toi de te démarquer en cultivant et surtout en trouvant ton identité artistique ?
Ce n’était pas du tout facile, surtout que les gens avaient une image figée du slam. J’ai encore en souvenir l’ami qui après mon spectacle me disait « ça c’est du slam adapté à nos réalités ». Mon premier album CONQUERANT avait pour objectif d’aller à la conquête d’un public qui ne se retrouvait pas trop dans le slam européen parce que nous ne vivons pas les mêmes réalités. Il fallait trouver la bonne formule pour intéresser les gens.
Aujourd’hui, à mes concerts slam les gens dansent. Je peux donc dire que mon équipe et moi avons trouvé la bonne formule.
Qu'est ce qui inspire et motive Elifaz ?
Je m’inspire du quotidien de mes amis, de mon vécu, et je le rends de sorte à ce que le Béninois, le Malien, le Congolais, etc... se retrouve dedans.
A mes débuts, un grand manager culturel du Bénin m’a dit «Tu ne vas pas tenir plus d’un an ». Ces propos sont vite devenus une source de motivation pour moi. Mais, la plus grande source de motivation pour moi est de maintenir la confiance que mon public me porte ; donc je travaille encore et encore pour ça.
Deux titres m'ont marqué sur tes différents albums, il s'agit de Kooyi et Je vous deteste, peux tu nous en dire d'avantage à propos de ces morceaux ?
KOOYI (Ras-le-bol) en langue Fon. Ce titre met à nu les mauvais comportements de nos frères et parents au Bénin en particulier et en Afrique en général. Quand le fils réussit, au lieu de s’en réjouir, c’est comment le détruire qui préoccupe. On va jusqu’à le tuer, sans savoir que quand ce dernier va réussir c’est la fierté de la famille et de toute la communauté.
JE VOUS DETESTE, C’est le premier titre que j’avais sorti sur le premier album et qui avait été censuré à l’époque mais qui avait malgré tout rencontré et rencontre toujours un succès franc à chaque représentation en spectacle.
Combien d'albums as tu à ton actif ?
Deux albums. Le premier est intitulé CONQUERANT et le second VOYAGE dont la sortie officielle est prévue pour Avril 2018.
J’ai mis beaucoup de temps pour faire le deuxième album parce que je voulais des sonorités d’ailleurs dessus, et de nature je ne me presse jamais pour faire les choses. L’album comporte deux collaborations ; SANS PATRIE avec la chanteuse Française Sylvette LEBLANC et VOYAGE avec le Malgache ODON Patrick. Le titre AYO (NON en langue Mooré) qui en est extrait, a été nominé au festival Satyre Days dans la catégorie meilleure Å“uvre musicale satirique. L’album est terminé depuis décembre 2016, mais j’ai retardé la sortie parce que je voulais ma mère dans la vidéo de la chanson VOYAGE et elle était gravement malade donc j’ai tout stoppé pour attendre son rétablissement. Elle va mieux maintenant et nous avons commencé le tournage de la vidéo.
Les thèmes que tu abordes dans tes slams/ta musique, sont-ils identiques à ceux que tu abordes dans tes sketches ?
Non pas du tout. La façon dont j’aborde les thèmes d’humour et les développe diffère totalement de la manière de travailler mes textes slam.
Citoyen béninois résidant au Burkina Faso. Pourquoi avoir choisi de poser tes valises au pays des hommes intègres ?
Après l’album CONQUERANT, j’ai voulu faire un album avec des sonorités venant d’un peu partout. J’en ai parlé à mon directeur artistique Chrislain KOULYO qui m’a proposé le Mali, la Côté d’Ivoire et le Burkina Faso. Dans la même période j’ai eu la chance d’être invité dans ces pays et au Faso j’ai fait des rencontres et eu des propositions qui épousent bien ce que je voulais pour mon album. Et j’avoue aussi que le Burkina Faso est un pays formidable et un carrefour culturel important en Afrique. Ça fait 4 ans que je suis ici et j’éprouve le même plaisir qu’aux premiers jours.
Tu as eu a visiter différents pays dans l'exercice de ta fonction, quel regard porte tu sur la politique culturelle du continent ?
Nous souffrons du même mal dans nos différents pays. Nous disposons d’une richesse culturelle énorme mais nos politiques n’ont rien à foutre de tout ça et de nous artistes, ils préfèrent injecter de l’argent dans l’inutile ce qui fait que les événements qui valorisent la culture et font entrer des devises pour les pays s’essoufflent et malheureusement meurent.
On trouve difficilement des images de tes spectacles humoristique sur les internets, contrairement à tes vidéos musicales. Est-ce une volonté de ta part ?
Effectivement c’est volontaire. Vous savez, un spectacle d’humour, ce n’est pas comme la musique. Quand tu diffuses ton spectacle d’humour sur internet, une fois en représentation pour le même spectacle, il perd tout son charme et tu n’auras plus le même résultat qu’à la première diffusion parce qu’on connaît déjà ta chute. Néanmoins je diffuse des extraits.
Peut-on vivre exclusivement de son art en Afrique dans la conjoncture économique actuelle ?
Oui on peut en vivre. C’est mon art qui me fait vivre, je n’ai pas un pied dedans et l’autre ailleurs. Ce n’est pas facile, mais c’est comme tout métier avec ses difficultés.
Quels sont tes projets pour l'année à venir ?
Pour 2018 j’ai en projet de sortir enfin l’album VOYAGE qui comme je l'ai dis précédemment est terminé depuis décembre 2016 ;
Faire tourner mon spectacle d’humour JACK BAUER A OUAGA dans beaucoup de capitales du continent. Les premières diffusions démarrent en janvier (25, 26, 27 janvier) au CITO ;
En janvier 2018 je vais sortir le single slam et humour intitulé BATARD ;
Au second semestre de 2018 on va démarrer aussi le VOYAGE TOUR. Des concerts inédits pour faire la promotion de l’album.
Aurais tu un lien à nous indiquer pour faire l'acquisition de tes oeuvres lorsque l'on vit en dehors du Faso ?
Malheureusement la vente physique des albums ne marche plus. Nous réfléchissons déjà à comment faire la vente des Å“uvres en ligne, parce que jusqu’à présent je vis uniquement des spectacles et concerts.
Le mot de la fin est pour toi...
Pour finir, je vais te remercier pour avoir porté un regard sur ce que je fais ; ça prouve qu’il y a un travail qui se fait, et maintenant on doit travailler davantage.
Aussi j’exhorte tout un chacun à consommer, accompagner et faire vivre la culture parce que après avoir tout perdu, il ne nous restera que ça.
Sous le slam avais-je dit ? son charme et sa simplicité m'ont conquise et j'espère qu'il en est de même pour vous. Pour ne pas rater l'actualité d'Elifaz, je vous invite à liker sa page Facebook , à le suivre sur Soundcloud et à vous abonner à sa chaine Youtube. Comme toujours les YGB, pensez à vous protéger en sortant et on se dit à tantôt.
xoxo
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